Une étude baptisée CEO Outlook 2019  de KPMG  met en exergue l’agilité et la capacité à se remettre en question comme la qualité fondamentale de tout bon dirigeant d’entreprise. Il reste que sur un plan pratique, l’intégration de la technologie doit répondre à un besoin identifié, et ne doit pas céder à la tentation d’une mode ou d’une tendance.

Chacun d’entre vous aura sans doute vu fleurir cette dernière année une foultitude d’innovations, avec toujours plus d’intelligence artificielle, de Machine Learning et autre blockchain, et de smart-contrat  bien sûr. Sans ces technos, point d’innovation.

Le média d’Etat Focus Report a annoncé que la Chine compte 32 000 entreprises qui prétendent utiliser la blockchain. Mais dans les faits, moins de 10 % l’utiliseraient réellement. Combien parmi elles en avaient vraiment besoin ? L’article ne le dit pas.

Une étude récente d’ IDC, à la faveur de la crise actuelle, et relatée par developpez.com révèle que 38% des entreprises prévoient d’utiliser une solution blockchain cette année. Peut-on sincèrement penser qu’il y a plus d’1/3 des cas d’usage qui ne pourront pas s’en passer ?

Pour éclairer le jugement de chacun, nous vous proposons la méthode suivante :

je cible un problème, je fabrique une solution, et peu importe si elle est blockchainée. Il faut juste comprendre ce que cette brique technologique peut vous apporter.

Pour s’assurer du réel intérêt d’une blockchain, il faut répondre aux 4 questions suivantes, et dans cet ordre.

Si vous apportez la réponse proposée, continuez votre lecture.

Si elle est différente, alors oubliez la blockchain, et restez concentré sur votre cas d’usage (parce que si la question a été posée, c’est qu’elle attend une réponse satisfaisante).

1. Avez-vous besoin d’inscrire des données dans une base ? OUI

Cette 1ère question peut paraitre absurde, surtout si on dit que sans données, il n’y aura rien à inscrire dans cette base. La multitude de projets « bullshit » incite tout de même à la vigilance. Outlier Ventures en dénombre même 99%. On peut tout de même rappeler que la blockchain solutionnera l’enjeu lié à la certification des données.

2. Avez-vous confiance dans les contributeurs ? NON

Au sein d’un projet donné, et si la confiance est naturelle entre les intervenants, alors ne compliquez pas votre process : vous n’avez pas besoin de blockchain.

Si elle ne l’est pas, continuons.

3. Leurs intérêts sont-ils alignés ? NON

Les différents contributeurs d’un projet peuvent avoir des intérêts convergents ou divergents. Si les intérêts convergent (et même si les entités juridiques sont différentes), on peut imaginer que la confiance sera une notion qui pourra même ne pas exister, parce qu’ils travailleront simplement dans le sens d’un projet commun. L’intervention d’une machine à fabriquer de la confiance sera au mieux inutile, au pire capable de fragiliser ce qui pouvait être naturellement installé.

Les intérêts divergent ou pourraient diverger ? Continuons.

4. Faut-il créer de la confiance ? OUI

Encore une banalité ? Si vous êtes arrivés jusque-là, c’est qu’il y a des données à gérer, que vous ne faites pas confiance aux contributeurs, et que leurs intérêts ne sont pas alignés. Ne pas poser la question ci-dessus revient à dire que la confiance est toujours nécessaire.

Je ne le crois pas.

Prenons l’exemple d’un projet de construction : les intervenants sont nombreux, les entités juridiques différentes, les enjeux sont importants et de nombreux intérêts ne sont pas alignés (par exemple : l’argent qui est à l’un ne sera pas à l’autre).

Est-ce pour autant qu’ils ont besoin de se faire confiance ? Non.

Et pourquoi : parce qu’ils ont un projet commun sur lequel chacun s’est engagé, et que leurs tâches et fonctions sont (bien ?) réparties > si chacun fait le juste travail pour lequel il est rémunéré, tout ira bien, même sans confiance (si elle est installée, ça n’en ira tout de même que mieux).

Il n’est donc nécessaire de créer de la confiance qu’à un seul moment : quand les intérêts divergent et que la confiance est indispensable ; c’est-à-dire quand ils s’engagent, et donc quand ils signent (par exemple comme ceci)  Tout le reste (ou presque) pourra se passer de blockchain.

Synthèse

Si vous avez répondu dans le sens de nos propositions, alors on en revient à la stricte utilité de la blockchain (hors crypto-monnaies, ou le raisonnement est différent – nous y reviendrons dans un prochain article) :

Ce qui est inscrit dans la blockchain est inaltérable, peut être prouvé à tout moment

  • Donc, celui qui essaie de tricher est certain de se faire prendre la main dans le pot de confiture
  • Donc il se comporte bien

C’est en ça que la blockchain est une machine vertueuse.

Et c’est ce qu’il faut avoir bien compris, pour s’en servir…ou l’éviter.